El Choro : 3 jours de randonnée en autonomie entre l’Altiplano et les Yungas boliviens

Partir randonner en Bolivie s’apparente à une vraie expédition. En particulier dans la vallée vertigineuse des Yungas qui fait la jonction entre l’Altiplano et la forêt Amazonienne. Dans cette région escarpée du versant est de la cordillère des Andes, on progresse lentement en prenant garde où l’on met les pieds.

De passage à La Paz après plusieurs mois en Amérique du sud, le trek el Choro s’est imposé à moi comme une évidence. Il faut dire qu’on m’avait bien vendu le projet. Des ponts suspendus à l’abandon, des sentiers pavés précolombiens et une forêt subtropicale, “les Yungas“, nichée entre les hautes montagnes de l’Altiplano. Vous aussi ça vous fait rêver ? Alors continuez la lecture et préparons ensemble cette belle aventure.

Du col de Cumbre jusqu’au village de Chairo, un trek de 51 km sur trois jours en autonomie, dans un environnement aussi sauvage qu’envoûtant.

le sentier de trek el choro

Au-delà de son aspect sauvage et aventureux, le trek El Choro c’est aussi une histoire ancienne et passionnante. L’héritage d’une tribu, les Incas, qui se sont élevés au rang d’une des civilisations les plus influentes de notre monde. 

La randonnée emprunte une ancienne voie précolombienne pavée qui fait partie d’un réseau de communication de plus 30 000 km, le “Qhapaq Ñan” ou voie des puissants. Ces routes andines, construites par la civilisation Inca sur plusieurs siècles, reliait Cusco, siège de l’empire, aux différentes villes, centres de production et lieux de culte. Ces sentiers impressionnants le sont d’autant plus quand on sait qu’ils traversent l’un des terrain géographique les plus difficiles au monde. De l’Equateur au nord, jusqu’au Chili et à l’Argentine au sud, s’enchaînent les sommets enneigés à plus de 6 000 mètres, les forêts tropicales humides, et les déserts absolus. Une invitation à l’aventure qu’il est difficile de refuser. 

Situé dans les provinces de Nor Yungas et Murillo au nord de La Paz, le parc national de Cotapata s’étend sur plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Depuis les hautes montagnes des Andes jusqu’aux forêts tropicales humides des Yungas, elle protège depuis 1993 un écosystème unique mais aussi un patrimoine archéologique et culturel important.

Son altitude varie de plus de 5900 mètres sur des parties de la cordillère Royale à seulement 1000 mètres dans les forêts embrumées. Cette physiographie et les températures très hétérogènes sont le refuge d’une flore et d’une faune impressionnantes.

Informations pratiques pour le trek El Choro :

Quelle est la difficulté du trek El Choro ?

7/10

Je vous rassure tout de suite, malgré son côté très sauvage, cette randonnée est accessible au commun des mortels. C’est d’ailleurs l’une des randonnées en autonomie les plus faciles à organiser en Bolivie. Pas besoin de s’appeler Mike Horn et de traverser des jungles tout nu en mangeant des sauterelles. 

Par contre, ce trek demande quand même une bonne condition physique et une certaine aisance en milieu naturel. C’est d’ailleurs un bon entrainement avant de se lancer dans l’ascension du Huayna Potosí.

Veillez aussi à passer quelques jours à La Paz en amont afin de bien habituer votre corps à l’altitude

Sa difficulté tient surtout de quatre facteurs :

  • Son dénivelé (1136 mètres de D+ et 4510 de D-) qui met les genoux et les chevilles à rude épreuve.
  • La faible fréquentation du circuit surtout en hors saison. En avril je n’ai croisé que deux fois des locaux sur la totalité du parcours.
  • La fréquence des fortes pluies qui peuvent rendre les pavés et les rochers glissants dans les descentes.
  • L’altitude élevée pour passer le col de la Cumbre qui demande une petite adaptation

D’un autre côté, le sentier n’est pas balisé mais reste facile à suivre. Téléchargez une application de carte hors ligne (Maps.Me, Alltrails) pour garder un œil sur l’itinéraire.

Restez bien vigilant sur vos appuis pour ne pas vous blesser, utilisez des bâtons de marche pour réduire les chocs et tout devrait bien se passer.

Comment se rendre au départ du trek el Choro ?

Le trek El Choro débute à La Cumbre, un lieu-dit perdu à quelques kilomètres au nord de La Paz. 

Pour vous y rendre, suivez ces deux étapes : 

  • Empruntez d’abord un trufi (minibus) ou un taxi en direction du terminal de bus de Villa Fátima au nord de la capitale Bolivienne
  • Prenez un nouveau trufi en direction de la ville de Coroico. Demandez au chauffeur de vous arrêtez à la Cumbre, ils connaissent bien.

Le trajet ne coûte au total qu’une trentaine de bolivianos.

Le départ du trek est au même endroit que le commencement de la route de la mort.

pont dans la jungle des yungas
feuilles de bananier

Comment rentrer à La Paz à la fin du Trek ?

Une fois arrivé à Chairo (bravo), deux options s’offrent à vous.

  • Prendre un taxi jusqu’à Coroico (environ 20€, ce qui très cher pour 20 minutes de trajet).
  • Marcher jusqu’à Pacallo (7km) pour prendre un taxi/bus jusqu’à Coroico (moins cher).

Une fois arrivé à Coroico, des trufis peuvent vous amener directement à La Paz moyennant  quelques bolivianos.

Quand faire la randonnée ?

Une seule réponse, durant la saison sèche qui s’étend d’avril à octobre. Notez que vous n’êtes malgré tout pas à l’abri de fortes pluies. La zone des Yungas est une zone tropicale très humide et la météo y est capricieuse. Après tout, c’est aussi ça qui fait son charme.

Où dormir sur le trek ?

Il existe différents petits “villages” sur le trek ou vous pouvez bivouaquer : 

  • Samaña Pampa : c’est là ou vous signerez votre entrée dans le parc. Quelques habitations sommaires, dont un refuge et une petite boutique.
  • Challapampa : Vous y trouverez un abri au bord de la rivière pour poser votre tente pour 20 bolivianos/pers et une petite boutique.
  • Buena Vista : Un abri pour la tente et une jolie vue sur la montagne pour 20 bolivianos/pers.
  • San Francisco : abri pour la tente et vue sympa sur la forêt.
  • Bella Vista : encore en construction quand j’y suis passé mais coin assez sympa
  • Sandillani : plus moderne avec une petite boutique et des toilettes. Vous pouvez y poser votre tente pour 20 bolivianos mais aussi dormir en dortoir et en chambres doubles.

En dehors de la haute saison, la plupart des villages sont totalement désaffectés et vous n’y trouverez pas âme qui vive. De mon côté, j’ai campé la première nuit à Challapampa où une vieille dame était présente pour récolter son dû (20 Bolivianos) et à Sandillani ou j’ai payé le même prix. 

Si vous partez sans guide je vous conseille fortement de prévoir une tente bien imperméable et de ne pas compter sur les logements en dur qui sont peu fiables.

Quel équipement pour randonner dans les Yungas ?

Avec un départ depuis les Altiplanos à plus de 4000 mètres d’altitude et une arrivée au fond des Yungas, la météo et les températures sont très changeantes. Il faudra donc adapter son équipement en fonction.

Mon sac comprenait : 

  • une polaire ;
  • un coupe-vent et un imperméable ;
  • un T-shirt ;
  • un short et un pantalon ;
  • un chapeau (pour se protéger sur soleil) ;
  • des bonnes chaussures de rando (si possible montantes pour maintenir les chevilles) ;
  • une trousse de secours basique ;
  • un filtre à eau ou des pastilles Micropur (vous trouverez plusieurs cascades et rivières sur le chemin, mais attention à bien la filtrer) ;
  • de l’antimoustique ;
  • matériel de camping (tente imperméable, sac de couchage, tapis de sol, popote, gaz).

Pensez aussi à prendre des vêtements secs pour dormir et ne pas tremper votre sac de couchage.

Où louer du matériel outdoor à La Paz ?

Si vous ne voyagez pas avec votre équipement, il est tout à fait possible de trouver ce dont vous avez besoin à La Paz. 

J’ai trouvé mon bonheur chez Andean Base Camp. La petite boutique est située Avenue Illampu. Elle n’est pas facile à trouver car elle ressemble plus à un appartement rempli de matos outdoor qu’un vrai magasin. Une fois la localisation trouvée sur Google Maps, pénétrez dans le couloir entre la boucherie et un magasin généraliste. Le magasin est au 2ème étage, il suffit de sonner dans la cage d’escalier et on vous ouvrira. 

Ne vous laissez pas décourager par l’ambiance “marché noir”. Le propriétaire Christian est adorable et connaît le pays comme sa poche. C’est lui qui m’a rencardé pour mes expéditions en Bolivie. Vous trouverez chez lui tout le matériel nécessaire pour la randonnée, l’alpinisme ou encore l’escalade. Le tout pour des prix vraiment raisonnables. 

jungle des yungas

Où s’approvisionner pour ce trek El Choro ?

Pour être tranquille, faites le plein de vivres à La Paz avant de partir. 

Bien qu’il existe quelques habitations qui proposent le gîte et le couvert sur le trek, il est très difficile/impossible de vérifier en amont s’ ils sont ouverts. Lors de mon aventure, je n’ai trouvé que des maisons en ruine et seulement une local qui proposait des boissons et des paquets de gâteaux. 

Pour plus de sécurité, achetez tout ce dont vous avez besoin dans les nombreux supermarchés et marchés de La Paz

Où trouver de l’eau sur le chemin ?

Vous croiserez plusieurs rivières et cours d’eau pendant votre trek El Choro. Pensez à bien filtrer l’eau avec une gourde filtrante ou des pilules et n’hésitez pas à la faire bouillir pour encore plus de sécurité. 

De mon côté j’ai utilisé le filtre à eau Sawyer Mini et c’est passé crème.

Quel budget pour cette randonnée ?

L’avantage de la Bolivie pour un voyageur, c’est que le coût de la vie y est assez bas. On peut donc s’en sortir sans trop casser sa tirelire.

Pour cette randonnée il faut compter par personne : 

  • trajet pour Villa Fatima + La Cumbre : 30 Bolivianos ;
  • droit d’entrée (à régler lors du passage à Chukura) : 25 Bolivianos ;
  • retour à Villa Fatima : 25 Bolivianos ;

Total : 80 bolivianos / 11 €

Il faudra bien entendu rajouter le prix de la nourriture et de la location du matériel si vous ne l’avez pas déjà. 

Bon à savoir : Si vous voulez éviter de marcher entre Charia et Coroico, vous pouvez prendre un taxi qui vous coûtera 150 bolivianos.
Pour la Bolivie c’est hors de prix alors je vous conseille de vous organiser avec d’autres randonneurs pour diviser le prix.
Vous pouvez aussi marcher jusqu’à Pacallo, ou vous trouverez des transports moins chers. 

Mon Récit d’Aventure & Itinéraire du Trek El Choro

Jour 1 : La Cumbre – Challapampa

21 km

D+ 264

Aujourd’hui c’est jour de fête. La seule route qui relie le terminal de bus Villa Fátima au col de La Cumbre est bloquée par un carnaval étudiant. Je reste prêt d’une heure à l’arrêt, serré sur la banquette arrière d’un truffi, entre une famille de bolivien et mon sac de 20 kg. Quand la ponctualité est un concept flou, on apprend à être patient.

Brouillard sur l’Altiplano

J’arrive vers 9 h 30 au col de La Cumbre (4700 m). Malgré mon passage la semaine dernière, je reconnais à peine l’endroit. Un épais brouillard dissimule chaque détail du terrain sur des kilomètres. J’avance à tâtons, dans un froid glacial. La première ascension jusqu’au col de Chucura (4870m) est courte mais éprouvante. En altitude, on a beau inspirer, l’air se fait rare.  

Sur le papier, rejoindre le premier camp est un jeu d’enfant : 18 kilomètres de dénivelé négatif à travers le fameux sentier Inca. En pratique, les pavés lisses rendus glissants par une pluie sans fin donnent à cette aventure un caractère plus périlleux. Je commence à me demander ce que je fous ici, quand le brouillard finit enfin par lever son voile. 

Qhapaq Ñan ou la voie des puissants

Bordée par de hautes montagnes de pierre noire, la voie des puissants s’enfonce dans une profonde vallée. Quelques habitations, des chaumières en pierres décorées de fleurs colorées, contrastent avec le ton monochrome du paysage. J’enregistre mon entrée au village de Chucura auprès d’un vieil homme au visage creusé par le temps. Son mélange de langue espagnole et quechua sera l’une des rares interactions humaines des deux prochains jours.

Descente dans les Yungas

Le ciel gronde. À peine le temps de remettre mon sac sur le dos que la pluie s’abat violemment. La tête enfouie sous la capuche de mon k-way, je longe en silence les rives du Río Chucura. Les pavés du sentier sont glissants. Déséquilibré par le poids de mon sac, je termine plusieurs fois dans la boue. À l’approche du campement, les paysages de l’Altiplano disparaissent pour laisser place à une végétation subtropicale luxuriante : les Yungas.

J’arrive enfin à Challapampa, un ensemble de cabanes désaffectées en contrebas de la rivière. L’endroit est désert. Un vieux toit de paille me sert de refuge pour installer ma tente. Une locale, la seule du coin, vient finalement à ma rencontre. Elle me demande si j’ai croisé du monde. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un large sourire. Qui est assez fou pour se balader sous un temps pareil ? 

chemin de l'inca

Jour 2 : Challapampa – Sandillani

23 km

D+ 922

Une aventure pas comme les autres

La journée s’enchaîne entre des parois vertigineuses, des cascades cachées et des ponts suspendus incertains. Certains d’entre eux, fleurons de l’ingéniosité Bolivienne, me laissent en hésitation. Une branche pour les pieds, une autre pour les mains, et c’est parti pour un numéro de funambule au-dessus d’une rivière déchaînée. 

Ma pause déjeuner à Bella Vista est rapidement interrompue par une colonie de guêpes particulièrement agressives. Tant pis, je mangerai en marchant. 

Après plusieurs heures de descente dans ce relief escarpé, le dénivelé s’inverse violemment. À quelques kilomètres du campement Sandillani, un dernier enchaînement de marche en pierre, La Subida Del Diablo, met un coup décisif à mon endurance. J’arrive finalement au camp, moins sommaire que le précédent, après 8 heures de marche. Pendant que je dévore mes derniers paquets de nouilles chinoises sans prendre le temps de respirer, le ciel se remplit de nuages noirs.

vache bolivienne

 Jour 3 : Sandillani – Chairo

7 km

D+ 61

Il pleut des cordes depuis 3 h du matin. Mes affaires sont trempées et mon moral noyé avec elles. Je rassemble ce qu’il me reste de détermination. C’est peu mais il va falloir faire avec. En Bolivie, les averses tropicales ne font pas de cadeau. Les cours d’eau débordent sur mon chemin. Le sentier à flanc de falaise se transforme en rivière boueuse. Mon k-way a déjà abandonné la bataille. Je dégouline, je glisse, je prends des branches dans le visage bref, je passe un très bon moment. Autour de moi, les montagnes nébuleuses se changent en îlots flottants dans une mer de brume. Je ne me laisse pas déconcentrer, je dois regarder où je mets les pieds.

1 H 30 plus tard, j’arrive finalement au village de Chairo. Un taxi me propose de m’emmener au terminal de bus de Coroico. Le prix est exorbitant. Je négocie un peu puis je finis par céder. Tout plutôt que de rester sous ce temps de chien. Les paysages défilent par la fenêtre. Le chauffeur me demande : comment c’était ? C’était l’aventure ! 

À l’image de ce trek El Choro, la Bolivie est une destination pour les amoureux d’aventure. Une terre encore épargnée dans sa globalité par le tourisme de masse. Les randonnées sont donc un peu plus difficiles à organiser et souvent dans des environnements plus sauvages. C’est justement ce qui fait son charme. Un maigre prix à payer pour le plaisir d’arpenter seul des paysages aussi saisissants. 

Avec cet article vous devriez avoir toutes les informations nécessaires pour organiser votre randonnée. Et sinon vous pouvez toujours demander aux locaux, c’est une source sûre.

Vous cherchez d’autres expériences uniques à faire en Bolivie ? Je vous tiens au courant des sorties d’articles sur tous mes réseaux !

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